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lundi 28 octobre 2013, par .
L’Echiquier de l’Armagnac est en deuil. Gilbert Rouède, cheville ouvrière du club et webmestre du site Internet, est mort jeudi 24 octobre 2013 des suites d’un cancer. Nous savions Gilbert très affaibli par la maladie ces derniers temps. L’annonce de son décès n’a donc pas vraiment été une surprise mais a tout de même profondément choqué le petit monde des échecs en Midi-Pyrénées.
Gilbert était né en 1932 à Lahitte, à côté d’Auch. Professeur de mathématiques, il fit sa carrière d’enseignant à l’étranger : Laos, Espagne, Afrique noire... C’est à Madrid, dans les années 1970, qu’il se prit de passion pour les échecs. Revenu en France, à Auch, à l’heure de la retraite, à la fin des années 1980, il devint membre de l’Echiquier de l’Armagnac. Il refusa toujours la présidence du club, mais œuvra énormément pour celui-ci et pour la Ligue Midi-Pyrénées, qu’il dirigea de la fin des années 1990 à 2005. Il mettait ses talents de littérateur au service des échecs, en publiant notamment le bulletin de la Ligue dont tout le monde attendait avec impatience la parution, autant pour les comptes-rendus des événements échiquéens que pour le plaisir de savourer les nombreuses anecdotes qu’il racontait avec son humour et son style inimitables.
Plus récemment, il prit les rênes du site Internet du club, auquel il imprima sa touche personnelle et dont il fit l’un des tout meilleurs sites de la région.
Devant l’échiquier, le joueur était à l’image de l’homme : à la fois capable d’inspirations brillantes et de bourdes monumentales. Gilbert, dont la distraction était légendaire, pouvait laisser sa dame en prise, appuyer sur la pendule du voisin, écraser son vélo avec sa voiture ou reculer dans son garage les portières ouvertes. Mais, doté d’une très bonne compréhension du jeu, il lui arrivait aussi de produire de très belles parties et je me souviens l’avoir vu "corriger" des maîtres internationaux. C’était aussi un homme très cultivé, féru d’histoire notamment, dont la conversation était toujours passionnante et révélait une grande intelligence et un esprit ouvert.
En 2011, Gilbert perdit son épouse, Pierrette, ce qui l’affecta beaucoup. Quelques mois plus tard, la maladie le frappa, mais en dépit des hospitalisations et des opérations à répétition, il continuait à s’occuper du club et du site. Après un court répit au printemps de cette année, sa santé se dégrada brutalement et il dut quitter définitivement son domicile auscitain pour les cliniques toulousaines, où il est mort jeudi.
A titre personnel, Gilbert faisait pour moi partie du paysage échiquéen. Un soir de mars 1989, quand je poussai, âgé d’à peine 15 ans, pour la première fois la porte de l’Echiquier de l’Armagnac, je vis deux joueurs en train de disputer une partie : Arjen Dejong et Gilbert Rouède. En les désignant, Georges Quaranta, qui m’avait fait venir au club, me dit : "Ce sont les deux meilleurs joueurs du club". Par la suite, Gilbert me prit sous son aile et, avec un sens aigu de la pédagogie, me permit d’acquérir les bases de la stratégie échiquéenne. A chaque entraînement, il s’asseyait à côté de moi et me conseillait tout le long de la partie, m’obligeant à trouver un plan cohérent et à justifier chacun de mes coups. Je me souviens des parties que nous disputions l’un contre l’autre jusqu’à des heures indues, à grands coups de discussions théoriques sur l’Est-Indienne, la Sicilienne ou l’Espagnole. Je me souviens aussi de l’homme de culture qu’était Gilbert, et des discussions passionnantes que l’on pouvait avoir avec lui sur à peu près tous les sujets, ou encore des balades à vélo ou en voiture pendant les tournois d’été...
Adieu Gilbert, que Dieu accueille ton âme. Une page est tournée, le monde des échecs ne sera plus du tout le même pour moi et pour beaucoup d’autres joueurs.
Hommage de l’Echiquier Armagnac